Puna Argentina

¿ Donde esta Dios ?
“Que Dios vela por los hombres, tal vez si o tal vez no, pero es seguro que almuerza en la mesa del patrón”
“Que Dieu veille sur les hommes, peut-être que oui, peut-être que non, mais c’est sûr qu’il dîne à la table du patron.”
(Atahualpa Yupanqui)
“Pas juste une image, une image juste”
Cela sonne comme une jolie formule, mais c’est accompagné de cette préoccupation que j’ai réalisé ce travail, dont la première vocation serait plutôt documentaire.
Prendre des photos revient à passer son temps à le faire durer, à lui porter une attention toute particulière, si bien qu’une image, ou une série d’images, peut former un espace temps où l’on navigue, guidés par nos expériences. L’image n’est alors plus qu’un écho à notre mémoire, même imaginaire, comme une phrase lue dans un livre exprimée si justement qu’elle se révèle être une pensée qu’on avait faite sienne – «mais oui, évidemment!» – et qui, entourée d’autres phrases nous aident à reconstituer notre chemin.
La photographie, machine à mémoire.
Cette série de photographies me rappelle l’idée simple et urgente que j’avais d’une maison étant enfant : des murs, un toit, des fenêtres, une porte, une cheminée. Des meubles essentiels pour des besoins essentiels. Les cailloux harmonieusement empilés sous une lumière pure comme j’imaginais construire un jour ma maison, avec de la paille, de la boue séchée et des grosses branches pour faire le toit. Je rêvais aussi d’un véhicule solidement dessiné avec un bon moteur pour arpenter les routes en terre à une altitude où l’oxygène se fait rare. Des animaux de basse-cour, qu’on élève et qui finissent dans les assiettes un dimanche midi. De gros nuages dans le ciel si bleu. Des cactus géants. Des familles et des enfants qui jouent. Tout un monde. Que j’imaginais petit et qui là-bas, si loin, réveille ma mémoire.
Où sommes-nous ?
Dans la Puna, une zone de hauts plateaux qui s’étend de la cordillère des Andes à la cordillère Orientale, située entre 3000 et 4500 mètres d’altitude, à cheval entre la Bolivie, l’Argentine et le Chili. Le sol est aride et les habitants quasi exclusivement indigènes. Là-bas, les missionnaires sont arrivés il y a 500 ans apportant parfois brutalement, le culte catholique que les indiens ont accueilli et adopté parallèlement à leurs propres croyances. On y prie Dieu aussi bien que la Pachamama (terre-mère) avec grande dédication. L’élevage, bien que les terres et le climat soient très ingrats, est la principale source de revenus. Les autres actifs sont souvent employés par des mairies et des institutions locales pour des travaux d’aménagement du territoire ou d’entretien. Le niveau scolaire des enfants, qui quittent l’école trop tôt par nécessité, est faible.
Ayant déjà repéré ces lieux au cours de voyages préalables, j’ai travaillé sur 3 endroits bien définis dans le nord de l’Argentine (province de Jujuy), à quelques dizaines de kilomètres de la Bolivie : deux villages, Cochinoca et Abralaite et un hameau très isolé. Ces sites sont compris dans un périmètre de 80 kilomètres, reliés entre eux par de longues routes de terre et de cailloux. On s’y déplace lentement, dans le silence du vent et des voix des indiens étouffées par l’espace envahissant.
À travers ces photographies, je voudrais raconter la vie de cette partie du monde, simplement, sans fioritures ni zèle particulier, parce que je crois que c’est la juste forme qu’il faut adopter pour un peuple qui vit aussi justement. Du noir et blanc, doux, frontal, sans manières.
E.G.
Travail réalisé avec la complicité de Lucila Bugallo, anthropologue.
  • Date

    1998

  • Info

    Images réalisées en hiver 1998, à la chambre 4x5 inches et 6x9 cm, tirées au format 40x50 sur papier baryté, exposées en 2004 à Strasbourg (galerie La Chambre).