Argentina 1992

Argentina 1492-1992
1992, 500 ans après la découverte du Nouveau Monde, Emmanuel Georges décide d’ébaucher le portrait d’un pays faisant partie intégrante de ce continent : l’Argentine. Plusieurs mois de voyage et quelques milliers de kilomètres en camionnette lui ont permis de rencontrer l’Argentine qui n’a pas su – ou n’a pas voulu – tirer profit des nombreuses crises politico-économiques du pays, celle qui a toujours eu quelques décennies de retard sur la capitale et qui occupe pourtant 99% des terres.
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Ces photographies débordent la notion traditionnelle de portrait… Au-delà de l’identité (au sens large) de la personne représentée, elles donnent à voir la relation que celle-ci entretient avec son environnement. Mais cette relation se veut ici à double sens : l’homme influe sur ce qui l’entoure, sur les objets et les paysages, mais ceux-ci le façonnent à leur tour. Les uns ne sont rien sans les autres, et c’est en cela que le monde de l’homme devient son monde, en une relation de dépendance réciproque.
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La dimension sociale de ces photographies, qui s’intéressent à l’argentin de la ruralité, le plus souvent pauvre, le plus souvent indien, est alors dépassée, pour atteindre une dimension culturelle, celle qui exprime la place et le rôle de l’homme dans le monde. En posant de face, au repos, que nous dit le modèle, si ce n’est qu’il est là, tout simplement à sa place ? Comme tout homme, ceux-ci ont leur place dans le monde. Qu’ils l’aient choisi ou non, ils en ont fait la leur et ont développé une culture dans son cadre. De ce fait, la relation qu’ils entretiennent avec leur environnement est à la fois universelle, car ils la partagent avec toutes les cultures, et particulière, car chaque culture la développe sous une forme propre.
Cette relation entre l’homme et son environnement, seul un regard extérieur a toutes les chances d’en percevoir la force et l’harmonie ; c’est lorsqu’on ne la partage pas qu’elle devient une sorte d’évidence. La distance inévitable et irréductible entre le voyageur et les cultures qu’il traverse, loin d’être un handicap, lui donne le recul nécessaire à une vision panoramique sur les hommes et le monde qui est le leur.
Frédérique Bauer.
  • Date

    1991-1992

  • Info

    Série de 80 portraits noir/blanc (tirages barytés 40x40cm), réalisée en 1991-92, sur une grande partie du territoire argentin, au Rolleiflex T3,5, avec la complicité de Lucila Bugallo